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      Récits sur le thème du "trésor enfoui"


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       Une bouffée d’enfance me submergea lorsqu’entrant dans le grenier, je découvris un morceau d’étoffe soyeuse dépassant d’une malle. Celle-ci contenait les effets personnels de ma grand-mère Andréa, décédée depuis longtemps. J’extirpai précautionneusement l’ample peignoir de soie, bleu clair à pois noirs. Il avait gardé le lustre d’antan. Je le dépliai lentement et le caressai rêveusement. Il était un peu de mon âme d’enfant. Chaque fois je l’endossais face au miroir de l’armoire, dans la salle de bain de la maison de ma grand-mère, la magie s’installait. Je m’incarnais aussitôt dans des personnages que j’admirais au point de susciter des vocations inaccessibles à ma condition de petite fille de milieu modeste. Jusqu’au jour où ce jeu cessa brutalement. Nous arrivons dans la 4L un peu déglinguée de ma mère. Nous nous garons à Caudéran, dans ce quartier huppé de Bordeaux, traversons la teinturerie encombrée par des alignements de vêtements suspendus sur des cintres qui empestent le perchloréthylène et débouchons dans l’appartement de ma mamie. Ma grand-mère gère d’une main de fer un dépôt de teinturerie sur les boulevards. J’entends souvent qu’elle bataille avec les différents teinturiers et blanchisseurs qui travaillent pour elle. Après les embrassades, je file par l’escalier, entre dans la salle bains, entrouvre le battant de la garde-robe en acajou massif qui grince comme chaque fois. Le luxueux déshabillé de soie est là. Je le décroche du cintre sur lequel il repose, inanimé. Je m’en drape le corps ; Je deviens aussitôt « Maria Callas » en personne. Je me mets à chanter très aigu. Je ferme les yeux et revois le visage sublimement maquillé de la grande diva. J’ose des effets de manches, des mimiques expressives et dramatiques face au miroir. Je virevolte et décuple la puissance de mes arpèges. Soudain par la porte restée entrebâillée, me parvient la voix de mon aïeule : « Tu verras le diable ! ». Et quelques instants plus tard : « C’est l’heure ; il faut partir ». Je reprends contact brutalement avec la réalité. Ma grand-mère me fascinait. Elle se faisait appeler Andréa ; Elle trouvait cela plus chic que son véritable prénom, Andrée. Son visage soigneusement poudré était encadré par des cheveux blancs aux reflets bleutés, savamment mis en plis chaque semaine par son coiffeur. Elle portait des habits confortables, bien coupés, de marques prestigieuses. Son loden en poils de chameaux si doux m’émerveillait. Moi, qui étais souvent habillée avec des tenues, données par la voisine. Une autre fois, je monte l’étroit et sombre escalier qui mène à la salle d’eau. Je revois la pièce claire où trône la baignoire énorme, trapue, avec ses pattes de lion dorées. J’entends à nouveau le grincement du battant de l’armoire où je prends le fameux peignoir à pois noirs et instantanément je suis transformée. Je suis Alice Sapritch, la grande tragédienne. Je sens même son bandeau emplumé enserrer mes cheveux. Je déclame des tirades enflammées en resserrant mes mains pudiquement sur le décolleté du vêtement soyeux. Mon visage grimace de la douleur d’un amour interdit lorsque résonne la maudite phrase rituelle : « Tu verras le diable ! ». Me voilà abruptement revenue dans la banalité de ma vie. Je suis une petite fille sage, un peu boulotte. Un visage quelconque, adouci par de longs cheveux châtain clair, je porte des lunettes à monture d’écaille qui renforce le sérieux avec lequel je mène ma vie d’écolière. Souvent perdue dans mes rêves, je m’évade comme je peux d’une vie trop étroite. Les seules fenêtres vers d’autres mondes sont la télévision, les livres et les rêves. Lors d’une autre visite, après avoir gravi en courant les marches, je me précipite vers la penderie qui couine bien sûr comme toujours. Le vêtement enchanté est à sa place. Je le décroche avec hâte de son porte manteau. Je le revêts avec gourmandise. Cette fois-là, je me sens pousser des ailes. Je pivote sur la pointe des pieds, les bras en couronne, aussi légère qu’une ballerine. Arabesque, pas de bourrée, je danse libérée de mon corps un peu pataud. Je salue mon public sous les bravos d’un public émerveillé par ma prestation. Les hourrahs fusent lorsque retentit la phrase fatidique : « Tu verras le diable ! Allez ! dépêche-toi ; Il est temps de dire au revoir ». Tout en me hâtant de remettre tout en place, je reprends pied, à regret, dans la vie ordinaire. Je me souviens trop bien de l’ultime et dramatique séance. Je monte les degrés de l’escalier. Un orage tonne au loin mais se rapproche. J’entends avec appréhension les coups de tonnerre qui claquent juste après les zébrures qui illuminent le petit boudoir sombre à cause du lourd ciel d’encre et d’ardoise. Le gémissement habituel de l’armoire prend une tonalité particulièrement lugubre. Je me saisis de l’envoûtant peignoir et m’apprête à l’endosser pour me rêver en une autre, lorsqu’un flash fulgurant enflamme mon reflet dans le miroir. J’entrevois mon visage qui se craquelle en mille fines ridules. Mes cheveux dressés autour ont blanchi dans la lueur aveuglante. Quelle horreur ! Je suis une vieille femme, une espèce de sorcière ! Mon cœur bat à se rompre... Je reste longtemps immobile à écouter la tourmente qui déjà s’apaise et la pluie battante qui martèle le toit. Ai-je vraiment vu cette créature hideuse qui me ressemblait tant ? Cette apparition est-elle un avertissement ? Je n’ai pas le souvenir, cette fois-là, d’avoir entendu la voix des adultes criant la phrase habituelle : « Tu verras le diable », mais néanmoins elle a résonné dans ma tête. J’ai vraiment vu LE DIABLE cette après-midi-là ! 

      Anne
           

       « Quand nous avons de grands trésors sous les yeux, nous ne nous en apercevons jamais. Et sais-tu pourquoi ? parce que les hommes ne croient pas aux trésors » Paolo Coelho L’Alchimiste La solution est là ! C’est ce que se dit Alice en rentrant de l’aéroport. Pierre, son enfant tant chéri s’était envolé pour l’Australie où Gérard, son père, lui avait trouvé un poste dans une agence de son laboratoire pharmaceutique. Son mari, qui d’ordinaire approuvait la plupart de ses projets, s’était opposé à ce qu’elle organise rapidement un séjour au pays des Kangourous. Ce refus avait fait naître en Alice un sentiment jamais éprouvé. Cette femme si mesurée qui contrôlait la moindre de ses émotions, était habitée d’une irrépressible rage. Devant le pavillon en meulières de sa banlieue chic, Alice eut une révélation, la solution était là dans cette cage dorée dont elle avait elle-même érigé les barreaux. Assise sur le banc du porche de l’entrée, perturbée par les sentiments qui l’agitaient, Alice décida de se donner un peu de temps avant de reprendre la posture que chacun lui connaissait. En effet, cette femme pensait que son physique était d’une grande banalité, une espèce de base neutre qu’il fallait bonifier. C’est pourquoi, elle veillait à ce que son maquillage soit discret mais efficace, œuvrait quotidiennement pour que sa silhouette se maintienne, choisissait avec soin ses vêtements, afin de rester élégante au golf comme au cocktail. Son entourage s’accordait pour lui concéder une prestance discrète qui lui valait l’approbation systématique des épouses et une certaine invisibilité au regard des hommes. Au début de son mariage, Alice avait parfois manqué d’assurance devant son statut d’épouse de cadre supérieur. D’origine modeste, alors qu’elle n’était qu’une simple vendeuse en confection aux Galeries Lafayette, une collègue l’avait entrainée au concert du Gala de fin d’année de l’école Centrale. C’est là que son chemin avait croisé celui de Gérard. Quand ? Comment ? et pourquoi ? l’avait-il remarquée elle n’en savait toujours rien. Mais flattée par le regard admiratif que lui portait ses parents et ses collègues, depuis la demande en mariage de ce jeune homme à l’avenir prometteur, elle avait rapidement accepté de l’épouser. De ces cinq années aux galeries, elle avait gardé le goût de la décoration ainsi qu’un certain sens de l’observation de ses congénères. Méthodique et volontaire, Alice s’était construit un emploi du temps assez efficace qui ne laissait que peu de place aux imprévus. Seules les maladies infantiles et les grèves des enseignants de son fils unique avaient parfois perturbé une routine dédiée à l’accomplissement des missions qu’elle s’était fixée. Elle était ainsi passée, sans trop de difficulté, de la petite vendeuse à la femme d’intérieur accomplie et irréprochable. Pourtant, aujourd’hui, elle se sentait totalement perdue et démunie, son enfant parti que lui restait-il ? Une maison dont l’essentiel de la décoration avait été élaborée à partir des « trouvailles » que son mari lui offrait au retour de ses voyages professionnels. « Alice, ma chérie que fais-tu assise là ? Tu ne te sens pas bien ? », l’interpella Gérard depuis la fenêtre de son bureau. Il l’observait depuis quelques minutes, intrigué presque inquiet par l’expression tendue de son visage. Alice était sa plus belle « trouvaille ». Fils unique d’un couple d’antiquaires brocanteurs, Gérard était un chineur expérimenté, son père disait à qui voulait l’entendre que son fils avait un don, qu’il avait « l’œil ». En effet dès son plus jeune âge, Gérard avait été capable de repérer une pièce rare au milieu du bric-à-brac des greniers et des caves qu’il visitait avec ses parents. C’est donc tout naturellement, qu’il avait remarqué Alice, au milieu de la foule de cette soirée de fin d’études. Son instinct lui avait soufflé que cette jeune fille était la perle rare. Désireux d’échapper à l’esprit bohème de son enfance, Gérard aspirait à une vie familiale qui aurait le parfum rassurant du confort bourgeois. Avec le temps son attachement pour son épouse ne s’était en rien émoussé, au contraire, il s’était teinté d’une sincère admiration. L’énergie déployée par sa femme pour gérer le foyer qu’il retrouvait toujours avec plaisir, ne lui avait en rien échappé. Malgré une vie professionnelle chargée, Gérard continuait à chiner dans les brocantes des villes où le conduisaient ses obligations professionnelles. Au fil des années, il avait ainsi glané de nombreux objets, sa femme les avait agencés avec un certain talent dans toutes les pièces de la maison. « Au cas où », Alice avait même fini par constituer un catalogue de ce qu’elle appelait « leur petit trésor ». Pourtant avec le temps, tous ces voyages avaient fini par lui peser, il envisageait sérieusement d’accepter la proposition d’un poste sédentaire en télétravail, il perdrait des primes mais sa situation était suffisamment confortable pour que cela n’affecte pas leur niveau de vie. Il ne s’était pas encore vraiment décidé, c’est toutefois, pour cette raison qu’il avait refusé le voyage en Australie que lui proposait sa femme. Il avait remarqué qu’Alice avait accusé le coup, elle savait pourtant que leur fils reviendrait plusieurs fois par an aux frais du laboratoire et que l’idée des vingt heures d’avion qu’il leur faudrait subir, lui était pénible. Constatant soudain que son épouse se levait pour rentrer dans la maison, Gérard se remis à l’analyse des bilans qui l’attendaient sur son ordinateur. Assise dans le canapé en cuir du salon, son ordinateur portable sur les genoux, Alice consultait le catalogue de ce qu’elle considérait maintenant comme « SON petit trésor » Elle transféra des photos sur son smartphone, et envoya une demande de rendez-vous sur l’adresse électronique qu’elle avait relevée quelques jours plus tôt. Elle reçut rapidement une réponse lui fixant une entrevue pour le surlendemain. Avec un petit sourire en coin, Alice confirma sa venue en pensant que Gérard serait à Londres et qu’elle n’aurait pas à se justifier. Le surlendemain, Alice pris le train pour la gare Saint Lazare, elle aimait retourner dans ce quartier. Elle s’engagea dans le passage du Havre et s’arrêta devant une petite porte en bois. Entre, le marchand de trains électriques et la petite parfumerie « l’opéra », une plaque en bronze indiquait : Maître RETEMYS Négociant en objet rares et insolites Au fond du couloir à gauche Contact@retemys.com Alice sonna et la porte s’ouvrit immédiatement, elle traversa le couloir et arriva dans une cour particulièrement lumineuse, à sa gauche une petite véranda portait la mention « espace salle d’attente ». Alice s’assit sur l’une des deux chaises scandinaves et s’étonna du style épuré de la pièce, seule dans un coin, posée sur un socle une énorme pomme sculptée dans le marbre attirait le regard du visiteur, sur une ardoise au bas de la colonne on avait écrit « AUTOPORTRAIT ». Intriguée Alice examina la sculpture et s’aperçut avec amusement que les veines du marbre dessinaient les contours de deux yeux, d’un nez et d’une bouche. Plus on fixait la pomme, plus le visage apparaissait nettement, il changeait même d’expression si l’on inclinait légèrement la tête. Plongée dans la contemplation de la pomme en marbre, Alice sursauta à l’arrivée de Maître Retemys. Quand elle le vit, elle se dit que cet homme avait lui aussi un physique « rare et insolite ». Bien que de très petite taille, le tee-shirt moulant qu’il portait sous son blazer en velours bordeaux révélait un physique d’athlète. Son visage imberbe était auréolé d’une crinière blanche et on devinait son regard derrière de petites lunettes rondes aux verres fumés bleus. L’homme s’inclina, la main gauche sur le cœur et lui dit : « Madame, je suis enchanté, si vous voulez bien me suivre » Alice se leva et fût une fois de plus interloquée par la physionomie de son hôte. Il ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinquante et semblait sautiller à chacun de ses pas. Elle n’avait jamais croisé pareil personnage et se dit qu’il était grand temps qu’elle change d’horizons. Ils empruntèrent un escalier en colimaçon en haut duquel se trouvait une pièce très spacieuse, aux murs blancs. Ce n’est pas l’absence de tout élément décoratif qui sidéra Alice mais le fait que l’ensemble du mobilier de bureau flottait au-dessus du sol. En effet bien qu’à une hauteur convenable, la simple planche en teck et les deux fauteuils voltaires en damassé bleu, semblaient en apesanteur, dépourvus de pieds. « Installez- vous, je vous en prie », l’invita Maître Retemys en lui désignant l’un des sièges. Devant l’hésitation d’Alice, il poursuivi sur un ton amusé : « N’ayez aucune crainte ceci n’est qu’un effet d’optique, j’ai acheté ce mobilier à un vieux magicien qui prenait sa retraite, c’est un peu déroutant, je l’admets, mais j’aime à me rappeler que la plupart du temps tout n’est qu’affaire de point de vue. » Alice finit par se décider et s’asseyant elle constata avec un certain soulagement que le fauteuil possédait bien des pieds posés sur le damier noir et blanc du carrelage qui couvrait le sol. Rassurée elle déclara : « - Comme je vous l’expliquais dans mon message, je possède un certain nombre d’objets, dont j’aimerais me séparer le plus discrètement possible, ils viennent des quatre coins de la planète et sont donc assez atypiques, j’ai pensé que cela pourrait vous intéresser. -La discrétion est une seconde nature chez moi. Avez-vous un « book » ? pour que je me fasse une idée, lui répondit maître Retemys » Alice lui tendit son téléphone et lui dit : « J’ai pris quelques photos ». De son index parfaitement manucuré, l’homme se mit à faire lentement défiler les clichés enregistrés sur l’appareil. Alice l’observait avec une certaine fascination, le mouvement de cette main lui évoquait les figures d’une patineuse sur glace. Bien qu’il semblât examiner chaque photo avec minutie, le visage de Maître Retemys restait totalement impassible. Alice se dit qu’il devait être un redoutable joueur de poker et que le port de verres fumés n’était pas étranger au fait qu’il s’applique à ne rien laisser voir de ses pensées. Enfin sans lui rendre son appareil, Retemys déclara : « Vous possédez effectivement quelques beaux objets, mais ils ne correspondent pas aux attentes de ma clientèle, vous devriez contacter un de mes confrères antiquaires » Alice ne put cacher sa déception et expliqua dans un soupir : « C’est exactement ce que je veux éviter, mes beaux-parents sont antiquaires, et connaissent la plupart des professionnels de la région, ma démarche ne passera pas inaperçue ». Maître Retemys sembla réfléchir une demi-seconde et se redressant sur son fauteuil il murmura : « Je comprends mais dans ce cas, seriez- vous disposée à vendre celui-là ? » Il tourna alors l’écran du smartphone vers Alice qui vit s’afficher une photo de Gérard en tenue de Golf. 

      Catherine
           

       La légende du Cacafuego L’antan est une notion vague. Il évoque un passé enfoui sous les plis du temps. Il suscite un regard nostalgique sur ce qui fut et qui désormais nous regarde tous de loin pour nous rappeler que nous sommes tous les héritiers d’un avant. Débordements disparus auxquels nous sommes reliés par un devoir de comprendre et d’aimer non pas seulement ce que les autres furent mais encore ce qu’ils sont devenus. Ce présent tire du passé pour tisser la toile des jours comme une araignée au bout de sa patience. Et c’est en cela que ces photos vieillies entre ses mains tenues, ne sont pas des plongées inertes dans un temps révolu mais désirs qui révèlent sur lui-même le sens de ces profondeurs. Lui, c’est cet homme assis sur sa chaise à bascule, une pipe à la bouche et l’élégance fière, obsédé par la nomination des choses. Aventurier et explorateur acharné, quelque chose en lui de rebelle murmure entre ses lèvres : la recherche inassouvie d’une existence, d’une manière d’être, un art de vivre malgré les arrogances et les ruses du colonialisme, les révoltes des gens sans terre en qui la vie pouvait tenir assise. Pour lui, dans les quelques lignes qui accompagnent les photos jaunies par le temps, le verbe lu doit être prononcé avec solennité et respect. Mais pour cet homme, il y a dans ces photos quelque chose d’insondable qui se veut une idée folle, une posture de conquête. L’idée d’un énième combat que nul ne peut acheter à sa place : le poids d’un destin assumé. C’est tout ce que ces photos lui révèlent par-delà ce qui est figé, fixé, suspendu parfois par des tragédies. Cette sorte d’en dessous qui soutient le désir, cette sorte de minerai qui tient jusqu’à l’envie. Ces photos, il les regardent longuement, avec gourmandise, comme des masques qui traversent des murs pour lui apporter la force et l’évidence même d’un autre parcours, d’une nouvelle épopée à venir. Il les regarde à la manière d’un miroir dans lequel se reflètent les empreintes d’un autre temps. Lui, c’est Thomas J. Beale, découvreur à sa manière des contrées lointaines, des mers et des ports où les voiles se dressent vers le grand large, où les sons évoquent des arrivées et des départs, où les lentes aiguilles du temps cousent une à une et la brise et la patience des pêcheurs. D’aujourd’hui à hier, ces lots de fleur de lumière ont toujours bercé sa vie, immersions de la terre à la mer dans cet archipel des Caraïbes, parfumé, riche de fruits et de fleurs. Par le passé, il y a de nombreuses fois découvert les douceurs des épices, du sucre, du café, des saveurs tropicales et tout ce que les îles des Caraïbes suscitèrent de convoitises pour ces conquistadores espagnols qui ne juraient que par l'attrait des filons d'or. Cet immense archipel qui inventa le mythe de Robinson Crusoé. Ces fructueux métissages qui donnèrent naissance à une culture authentique, mêlant le génie africain à la beauté des anses et des jardins créoles. Aujourd'hui, cinq siècles après les premiers découvreurs, il savoure les charmes de l'art de vivre caraïbe qui ont conquis bien avant lui d’autres aventuriers par-delà les heurts d'une histoire coloniale mouvementée. C’est dans ces coulées de sable blanc, où bouillonnent les blocs de pierres comme empilés, à la fois torturés et apaisants dans lesquelles Thomas J. Beale aime à retourner. Ici, les lagons bleus, calmes et tranquilles, incitent à la rêverie pareille au ruissellement des cascades qui s’enivrent de rayons de soleil entre les branches torturées d’arbres séculaires et une végétation dense et exotique. Mais pour cet homme, ce décor n’est point un décor ! C’est pour lui une sorte d’intimité volée et violée par son regard d’explorateur. Il y a dans cette vision des choses l’emprise d’une suggestion, presque d’un commandement, auquel il se laisse volontiers emprisonner, sans doute par impatience. Ses mains délaissent un moment les photos pour glisser lentement sur la couverture d’un livre ouvert sur ses jambes. Ce livre, il l’a maintes fois parcouru dans la distance et toujours avec la même gourmandise, s’invitant à chaque page pour mieux s’imprégner d’une nouvelle aventure. Son regard se pose encore une fois sur les photos de cette île de Cuba. Il s’enivre de ces nombreux récits émaillés de légendes qui rapportent l’histoire de ces navires qui y ont fait naufrage. Chaque fois, avec la même impatience fièvreuse, son attention se porte sur celle du « Cacafuego », héritée de cette époque où des flottes entières chargées de trésors traversaient les mers entre l’Espagne et l’Amérique. La légende dit que son périple se serait terminé en plein cœur d’un ouragan où d’immenses vagues auraient aspiré ce bateau dans les profondeurs marines de la baie de San Ensenada. Personne à ce jour n’est parvenu à récupérer cette cargaison perdue qui sommeille toujours au fond de l’océan et dont l’emplacement exact reste encore énigmatique. À la lecture de ce récit, maintes fois parcouru, se précise en lui un désir profond d’une nouvelle quête qui le tressaille comme la cicatrice d’une possible découverte. Cette légende du « Cacafuego », celle du naufrage d’un galion espagnol et d’un trésor enfoui sur cette île, le persécute. Il lui faut recoudre le déchiré de cette mémoire jusqu’à l’extase. Après un long voyage, Thomas J. Beale débarque un jour de juin sur le quai du vieux port de La Havane. La cité havanaise s’offre à lui avec ses vestiges bigarrés, témoins privilégiés des fastes des époques coloniales et les occupations militaires. Il décide de s’installer dans un de ces hôtels situé dans l’une des plus belles avenues : le Malecón. L’hôtel est entouré de palmiers et des plus admirables fleurs tropicales. Comme beaucoup de demeures coloniales sur l’île, celle-ci est décorée de dentelles de bois, et de très hauts plafonds. Un style original alliant son imposante apparence à la fantaisie de l’exotisme. Témoignage du passé, l’hôtel, peint de couleurs chaudes délavées par le temps, est enjolivé de corniches, de colonnes et de fières balustrades. Aux murs de l’imposant escalier d’entrée sont suspendues les photos d’habitations coloniales ayant appartenues aux riches armateurs venus d’Europe. Depuis le balcon de la chambre, la vue s’ouvre sur le port. Les arbres majestueux du jardin veillent sur cette vieille demeure datant de l’aube du siècle dernier. Pour Thomas J. Beale, La Havane a de la profondeur et du caractère, on ne l'apprivoise pas du jour au lendemain, elle est mystérieuse jusque dans ses ultimes retranchements et elle est passée maître dans l'art de la séduction. Ville complexe, lieu d’insouciance et de douleur, de nostalgie et d’utopie, de renaissance et de perdition, La Havane n'est pas une ville tropicale ordinaire, une de ces villes qui vous donnent l'impression de regarder une carte postale en deux dimensions. Cette ville au destin tumultueux, lié à celui de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique n’a jamais cessé d’inspirer les voyageurs et les artistes. Aujourd’hui encore, de jolies fontaines en marbre blanc de Carrare rappellent les siècles fastes de beaux palais. Même les rues les plus pauvres de La Havane conservent une certaine dignité, faites de cabanes fabriquées avec de vieux bidons à essence aux toits recouverts de ferraille empruntée au cimetière de voitures abandonnées. Le quartier du Vedado, où se dressent encore des baraques en bois, est le témoin de cette époque où les habitants, majoritairement des esclaves, des cimarrones, travaillaient à l’extraction du bois destiné à la construction des beaux quartiers. Il pleut rarement durant la journée sous les tropiques où les saisons varient à peine. Thomas J. Beale profite de ses premières journées pour découvrir, à bord d’une vieille américaine, les splendides édifices architecturaux de style néoclassique ou art déco. Un jour, en arpentant une ruelle, il s’attarde devant une maison où, pense-t-il, on aime lire et écrire, car par les carreaux, il peut apercevoir du papier et des crayons traînant ça et là… quant aux livres, ils envahissent l’espace, s’empilent partout sur des étagères arrivant au plafond. Tout semble avoir été précieusement conservé : des maquettes, des carnets, des lettres, des manuscrits d’explorateurs et leurs mémoires aussi. Il se décide à entrer. Ici les objets extraits de vieux navires rivalisent d’originalité, là des livres en pagaille s’amoncèlent dans un désordre apparent. Le propriétaire des lieux arbore une longue barbe et un visage creusé par le temps, il semble naviguer à sa manière dans un flot de vieilleries toutes aussi hétéroclites que surprenantes. Le personnage est intriguant. Rapidement, une conversation s’installe entre eux autour du récit de cette fameuse légende. Thomas J. Beale se laisse rapidement séduire par sa connaissance de l’île et les récits qui jalonnent son histoire. « Savez-vous étranger, que j’ai là beaucoup de livres qui relatent des faits d’histoire datant de l’époque de l’invasion de l’île par les troupes espagnoles. J’ai moi-même un livre précieux qui relate cette histoire de la légende du « Cacafuego », un galion espagnol qui a fait naufrage au sud de l’île dans un lieu maudit. Attendez, je crois que je l’ai rangé sur cette étagère. » Le vieil homme se saisit d’une échelle en bois et se hisse à hauteur des plus hautes étagères. Il extrait soigneusement le livre et souffle énergiquement sur sa couverture pour la débarrasser de la poussière qui s’y était déposée avec le temps. Puis, il le frotte avec la manche de son veston et feuillette les premières pages avec beaucoup de précaution comme on le ferait d’une précieuse relique. Se retournant vers notre explorateur, il ajoute : « Le voici, je le tiens moi-même d’un vieil armateur, il a été écrit par un auteur chilien Luis Sepúlveda dans lequel il retranscrit l'histoire d'un marin, le Capitaine Jörg Nilssen. En réalité, ce récit serait inspiré de l’histoire d’un des galions espagnols le « Calueche de la Concepcion » qui aurait sombré en 1715 avec trois autres navires emportant avec lui sa précieuse cargaison. C’est d’ailleurs à cet écrivain que l’on doit le surnom de Cacafuego à ce navire. » Thomas J. Beale écoute avec un vif intérêt le vieil homme, puis à son tour, il feuillette l’ouvrage, y découvre quelques gravures et des cartes. Son attention est attirée par ces quelques lignes : « … Le principe est le suivant : tout appartient à tous ; mais ce sont les officiers qui détiennent le pouvoir de décision et de distribution. Ainsi, si la nourriture est commune, les honneurs restent le privilège des officiers ce qui signifie aussi qu’il n’est pas possible de s’approprier quoi que ce soit sans leur accord... ». Thomas J. Beale découvre fiévreusement le reste du livre puis, relevant la tête, il interroge le vieil homme. - Vous me semblez bien connaître cette histoire. Qu’avez-vous appris de ce fameux navire ? - Je vois que cela vous intrigue, mais je comprends votre curiosité. La légende du « Cacafuego » serait celle d’un vaisseau fantôme, croisant la nuit, dans les eaux entourant l’île de Cuba. Elle raconte que sa cargaison précieuse chargée d’objets et de pierreries en argent et en or seraient encore cachée au fond d’une des criques de la baie de San Ensenada. Pour certains, cette légende prétend que ce trésor serait enfoui dans les méandres d’une grotte sous-marine, pour d’autres qu’une partie de ce trésor serait encore cachée sur l’île de la Juventud par les premiers habitants de cette île, les indiens siboneyes. Qui dit vrai ? On ne le saura sans doute jamais. Tenez, je possède moi-même quelques-unes de ces pépites d’or rejetées par la mer. Regardez… À la vue de ces pierreries, Thomas J. Beale paraît troublé. Le vieil homme dit-il la vérité ou s’aventure-t-il dans une histoire dont lui seul a le secret ? Ces pépites serait-elles celles du « Cacafuego » ? Il n’en faut pas davantage pour que notre visiteur se mette en quête d’ajouter son nom à la liste déjà longue des explorateurs. - Sauriez-vous m’aider dans mes recherches ? C’est pour cela que je suis ici et que j’ai fait ce long voyage : découvrir ce trésor enfoui. - Vous voilà bien prétentieux mon ami pour vouloir relever un tel défi. Des récits circulent aux quatre coins de l’île de Cuba voulant que tous ceux qui s’y aventurent n’en reviennent jamais et que leur dépouille reste à jamais engloutie par les eaux des Caraïbes. Mais puisque vous y tenez, il vous faudra d’abord rejoindre la ville de Batanabó, et de là-bas vous pourrez vous embarquer pour faire la traversée, si un pêcheur est assez fou pour vous y emmener. Avant que Thomas J. Beale ne prenne congé du vieil homme, ce dernier lui lance comme un avertissement : « N’oubliez pas, je vous aurai mis en garde, mon ami, vous êtes encore trop jeune pour rejoindre le monde des morts ! » En quittant la capitale pour les routes du sud qui le mèneront à Batabanó, Thomas J. Beale garde le sentiment de ne pas avoir encore percé tous les mystères de cette île. À Batabanó, les marchés sur le port résonnent de bruits et de cris qui proposent cigares, corail noir, statuettes et bibelots divers. Au milieu de l’agitation, le regard de Thomas J. Beale est attiré par la silhouette d’un pêcheur affairé à préparer son embarcation. « Bonjour, vous allez là un beau bateau, s’exclame Thomas J. Beale en apostrophant le pêcheur. » Le pêcheur surpris se retourne et dévisage un long moment notre explorateur avant de s’exclamer : - Vous n’êtes pas d’ici ! - En effet, je suis américain, je viens d’arriver. Cela se voit tant que cela ? - Un peu oui. Et que venez-vous faire ici, lui demande le pêcheur d’un ton inquisiteur. - Je suis explorateur et je souhaite me rendre sur l’île de la Juventud. Je suis à la recherche du trésor du Cacafuego. » Le pêcheur le toise de haut en bas et laisse échapper un rire rocailleux ne tardant pas à lui faire comprendre qu’une telle entreprise pourrait faire resurgir de vieux démons. - Encore un de ces touristes en quête d’aventure qui croit trouver l’introuvable. Savez-vous que certaines nuits, les lueurs du vaisseau fantôme hantent toujours les eaux de cette partie de l’île. Mais, personne ne l’a jamais aperçu et son immense trésor resterait maléfique à qui voudrait le découvrir. - C’est ce que l’on m’a dit, mais je suis prêt à tenter l’aventure. - Et vous pensez arriver là où beaucoup d’autres ont échoué et n’en sont jamais revenu ? lui répond le pêcheur en riant aux éclats. - Je ne le pense pas, j’en suis sûr, rétorque Thomas J. Beale d’un ton assuré, avant d’ajouter : Accepteriez-vous de me transporter jusque dans la baie de San Ensenada ? Je suis prêt à vous payer grassement. - Si vous êtes si riche que cela, alors pourquoi prendre tant de risque pour chercher ce qui n’existe pas ? Mais bon, c’est vous qui décidez. Revenez ici même demain, si vous êtes assez fou pour tenter l’aventure, je vous y emmènerai. Mais, je crois bien que ce sera la dernière fois que nous nous reverrons ! Le jour se lève à peine, dévoilant avec majesté les eaux turquoise du port. Thomas J. Beale n’aurait pour rien voulu manquer ce rendez-vous. Depuis l’aube, il est posté à l’endroit de la veille cherchant du regard le pêcheur affairé à préparer son accastillage. Les deux hommes embarquent pour rejoindre la pointe extrême de l’île bravant la houle de cette partie du golfe du Mexique. Après une longue traversée, Thomas J. Beale pose enfin le pied sur l’île de la Juventud, ou plus exactement à Nueva Gerona souvent appelée la « capitale de l’île au trésor ». C’est un véritable voyage à travers le temps qui l’attend, un de ces voyages qui transporte les âmes curieuses vers un lieu où le passé réside fièrement dans le présent. Christophe Colomb l’avait nommé « La Evangelista » en 1494 lors de son second voyage aux Amériques. Nueva Gerona s’étend lascivement au soleil face à la baie de Batanó avec ses ruelles pittoresques, ses bâtiments colorés et son atmosphère empreinte de nostalgie. Chaque pavé et chaque regard semblent raconter une histoire. La ville déborde de mystères et de charmes, elle promet une aventure où l’histoire des pirates et des révolutionnaires se mêle à la vie quotidienne des habitants, créant ainsi un mélange vivant de récits et de cultures. Ce petit bout de territoire cubain fut longtemps appelé « l’île prison », car il a hébergé très longtemps l’un des pénitenciers les plus inhumains de la planète : « El Presidio Modelo » où furent détenus de nombreux révolutionnaires. Son histoire révèle les récits bouleversants des captifs qui y étaient enfermés et témoigne du passé tourmenté de Cuba. Aujourd’hui abandonné, cet édifice, autant gigantesque que lugubre, contraste avec le spectacle merveilleux des lacs qui l’entourent aux teintes variées et énigmatiques d’une beauté naturelle saisissante. Nueva Gerona semble avoir été oubliée par l’histoire tout comme les quelques peintures témoins de l’existence passée des indiens siboneyes qui occupèrent cette île les premiers. C’est dans le petit village de Punta Sucia, situé au sud de Nueva Gerona et face à la baie de San Ensenada, que Thomas J. Beale décide de s’installer. La côte, bordée par ses nombreuses mangroves, s’offre aux visiteurs de passage, étalant généreusement son sable fin à la blancheur exceptionnelle ou la beauté et la richesse de ses fonds marins. Ici, grottes immergées et tunnels marins rivalisent de mystères aux abords de parois abruptes et de barrières de corail dans lesquels les lamantins et les tortues à écailles aiment à se cacher. Dans ce décor de rêve, les lieux sont peuplés d'une multitude d’espèces d’oiseaux et de mammifères : colibris, iguanes, chauve-souris et autres tortues. Les anciens des villages leur prêtent des pouvoirs étranges. Ce sera là son camp de base à l’ombre des palmiers face à la baie, lieu supposé du naufrage de ce galion dont les eaux abriteraient encore son fantôme et le fameux trésor. Entre deux explorations des excavations sous-marines, Thomas J. Beale décide de découvrir une région plus sauvage à l’écart de la baie dans la partie occidentale de l’île. Ce lieu possède une histoire fascinante, il a été le refuge pour les premiers habitants des îles de Cuba, les indiens siboneyes, et témoin des visites de célèbres corsaires. Nombre de ces lieux font référence à ces époques où des pirates venaient mouiller dans les criques pour s’approvisionner en eau et en fruits, ou mettre leurs précieuses cargaisons à l’abri des cyclones. Thomas J. Beale aime à mettre en scène, lors de ses voyages, toutes les formes de paysage entre emprise d’une suggestion de douleurs vibrantes et de malheurs surgies de nombreuses persécutions et la lumière qui jaillit par des trouées dont l’éclair fait briller cette mémoire dans la distance qui le sépare de ces temps anciens. Le sabre de l’immensité turquoise lui semble parfois adoucir les cicatrices laissées là par le temps. À flanc de montagne, le roulis d’une lave végétale se déroule en sculptures de feuilles d’arbres, en balancement de branches en voltige. Ces intensités végétales s’opposent brutalement dans un tourbillon de pente massive, fière et hautaine face au lacis lumineux de la baie. Son regard se range au défi d’une découverte en attendant celle de la victoire. Derrière lui, sans aucune forme de mouvement, un homme se tient là, raidi dans son costume et sous une coiffe d’apparat. Un instant surpris, Thomas J. Beale prend conscience qu’il est face à l’un de ces indiens descendants siboneyes. Sa venue ne semble pas effrayer l’indien dont le regard laisse deviner une sociabilité douce évoquant un paradis perdu. Paré de coquillages en guise de pendentif, il semble surgir de la nuit des temps que le calme rustique des lieux apaise dans un jour serein et limpide. Issu des racines amérindiennes, l’indien présente un visage crevassé qui enveloppe un regard lumineux malgré son âge. Durant un long moment, chacun dévisage l’autre avec la même curiosité. L’indien, fait plusieurs fois le tour de notre explorateur qui se hasarde alors à engager la conversation. « Je suis américain. » L’indien semble ne pas comprendre et pour toute réponse adopte un long silence. Puis, il l’invite à entrer dans sa hutte et lui fait découvrir quelques ornements sacrés, culture héritée de ses ancêtres. Ce sont deux mondes qui se sont découverts et qui se sont affrontés, pense alors Thomas J. Beale. « Je suis américain, et je suis à la recherche d’un trésor qui appartenait à un navire espagnol qui a sombré dans la baie il y a très longtemps de cela. » À cette évocation, l’indien semble effrayé et devient nerveux. Il s’agite puis saisit un masque, le porte à son visage et prononce des incantations. Dans un mouvement brusque, l’indien lui demande de le suivre jusqu’à une grotte au fond de laquelle subsistent encore quelques ossements d’un squelette. De part et d’autre sont disposés des coquillages. Leur disposition au sol semble indiquer une direction. Thomas J. Beale n’ignore pas que les espagnols ne connaissaient pas les canaux qui irriguaient cette île à l’époque. Ils étaient peut-être terrorisés par les descriptions des monstres et des créatures de cauchemar qui étaient supposer habiter les lieux. Seuls les indiens siboneyes occupaient cette partie de la petite île de Cuba à l’écart de toute autre civilisation. Notre explorateur se souvient que le vieil homme lui avait dit qu’il existe, pour ces descendants des premiers habitants, des centaines de légendes qui racontent que les navigateurs jetaient l’ancre dans la baie pour y vider les cales de leurs précieuses cargaisons avant de les cacher dans des parties hostiles de l’île à l’abri de tout inquisiteur. Peut-être est-ce à l’un de ces lointains ancêtres que l’on doit le récit selon lequel aurait été aperçu une nuit un bateau dans le brouillard épais de la baie, les voiles en lambeaux, à l’approche d’une violente tempête. Thomas J. Beale imagine cette longue silhouette marine naviguant lourdement, cherchant vainement à retrouver la liberté en pleine mer. En pareille circonstance, le capitaine du navire aurait fait tirer le canon en quittant la baie, sa flottille se serait alors perdue dans les brumes qui montaient de la mer des Caraïbes. Les membres d’équipage auraient montré les premiers signes de panique. Et puis, la nuit s’avançant, elle fut sans doute crevée d’un bruit sourd, inattendu, inquiétant, un bruit qui roula jusque dans les entrailles de la mer. Ce bruit de fin des temps. Thomas J. Beale croit le ressentir encore sous ses pieds. Celui là-même du plancher du pont qui trembla, une odeur caustique monter puis des explosions se répéter en s’intensifiant telle une canonnade. Le bateau venait de sursauter sans doute, et des cris fusaient de partout à mesure que l’obscurité envahissait le bateau et l’espace. Et ce fut le chaos. Le temps s’était alors arrêté. Les matelots se faisant happer par un grand souffle de vent et plus jamais on ne devait les revoir. Disparus. Comme évaporés dans cette mer aussi sombre. Sans doute était-cela que les ancêtres de cet indien avaient vu ! Personne ne sait si le « Cacafuego » a pu mettre fin à cette malédiction et tirer ces pauvres diables hors de leur enfermement. Mais la légende assure que des matelots auraient vidé leurs cales de leur précieux chargement et seraient revenus à bord toujours à la recherche de la liberté en pleine mer. Peut-être que le « Cacafuego » est le « Calueche ». Thomas J. Beale se décide à poursuivre dans la direction indiquée par ces coquillages laissés sans doute là par un de ces malheureux matelots. Dans un long tremblement, il entend l’indien hurler en s’enfuyant loin de ce que le récit désigne comme « la piste de l’abîme ! ». À cet instant, le cri des oiseaux qui les survolaient lui fait relever la tête. Des oiseaux de toutes les espèces et de toutes les tailles. Mais ceux-là avaient brusquement fait irruption dans le décor, effrayants par leurs robes écarlates et leurs cris qui rappellent celui de messagers lugubres. Ils tournoient dans le ciel à la manière des vautours ayant repéré une proie. Ce fut, pour un court instant, un contraste saisissant avec la quiétude des lieux. Les jours, les mois passent. Thomas J. Beale consigne méticuleusement, dans son carnet de voyage chaque étape de ses recherches. Aucun lieu n’échappe à ses descriptions, il cartographie, mesure, dessine, rédige. Pas un instant, son esprit ne se libère de cette quête. Cent fois repassant par les mêmes chemins. Chevauchant les racines gigantesques des palétuviers qui peuplent ce lieu captivant et terrifiant à la fois tandis que l’océan s’étend au-delà du champ de lumière qui rayonne sur la baie et s’orne parfois d’un long fil d’argent que beaucoup de ces indiens suspectent être le passage rapide de monstres marins. Au bout de l’obscurité, apparait parfois une nappe brillante tel un million d’étoiles qui scintillent ! Voilà maintenant des mois que Thomas J. Beale n’a plus revu la silhouette de l’indien se dresser hors des fougères tropicales et autres plantes recouvrant l’épais manteau de végétation. Il est gagné par la conviction qu’il ne le reverra jamais plus. Pour lui, il y a des nuits tendres, douces où se mêler pour se mesurer sans fin à la rondeur de l’extase d’une conquête, en être l’unique héritier et l’unique gardien. Goûter jusqu’au secret et se blottir dans sa propre mémoire, et pourtant parvenir au bout du plaisir jusqu’à se perdre, et se laisser surprendre parfois au risque d’être soi-même englouti. Des côtes brumeuses des Amériques aux rivages ensoleillés des Caraïbes, chaque histoire est unique, mais toutes font allusion à de précieux trésors qui attendent que le chanceux ou le sage les découvre. L'idée même qu'une partie de ce trésor puisse être toujours dissimulée quelque part, attendant d'être découverte, continue d’enflammer son imaginaire. Mais, pour lui, plus que le trésor lui-même, c'est la passion, l'anticipation et l'aventure pure et simple qui le dominent. La quête de l’héritage de ce trésor n’est pas seulement une question d'or, de bijoux ou de richesses, pour Thomas J. Beale il s'agit de faire partie d'une énigme historique, d'une histoire qui s'étend sur plusieurs siècles et de l'indescriptible frisson de la chasse. L'espoir est l'essence même de sa quête. Pour Thomas J. Beale le temps est précieux. Son esprit est parfois hors d’atteinte de certaines émotions, comme si, dépendant du moment, certaines fonctions étaient chloroformées devant des impressions perçues comme dissonantes, un peu à la manière dont on se protège des effets sonores ou des effets d’ondes. Il s’était longtemps refusé ce voyage avant de laisser le désir se creuser, le menant sans calcul, sur les chemins de l’île aux écueils façonnés par l’oubli, effleurée de chiens maraudeurs et de chats blancs migrateurs d’un îlot à l’autre. Ce désir avait accouché d’autres formes, se réclamait d’autres forces, d’autres ressources insaisissables, s’incrustant dans l’absence puis dans l’envie. Pourquoi les choses se font-elles si facilement par moments comme la rivière qui suit l’inclinaison naturelle de la pente, alors que d’autres fois, tout devient si difficile. Il lui semble que le chemin est balisé d’événements étranges qui défient la logique et le raisonnement et qui ne paraissent justifier leur existence, que pour attester des attributs idiosyncratiques en réaction à ces événements. Soudain, arpentant plus que nécessaire certains lieux, ce qui lui paraît être l’indicible trésor se révèle enfin à lui. Comment comprendre qu’il soit passé si souvent à cet endroit sans jamais y trouver la moindre parcelle d’indices ? Il y trouve enfin l’énergie nécessaire pour cogner au même endroit, hier infranchissable, et trouver une fissure, jusque-là invisible. Pourquoi ne put-il pas la voir avant ? Y avait-il dans son esprit, quelque chose d’équivalent aux intermittences du cœur, pour expliquer les absences de lucidité et de clairvoyance dans le processus de ses recherches ? Il était là face à lui, enfin, somptueux, admirable, presque insolent de beauté, comme un gisant, piégé par les années et la haute et luxuriante végétation qui l’avaient conservé. Thomas J. Beale se défait de ses vêtements trop lourds et entreprend de l’extraire de son antre, mais le coffre trop chargé lui tire maintenant sur les épaules. Il lui faut se défaire de tout cela. Trouver un endroit idéal, à l’écart de tout passage, où cacher ce trésor après en avoir extrait autant de pépites que pouvait contenir son sac. Il reviendra, plus-tard rechercher le reste du précieux butin. Machinalement, il sort de sa poche son carnet de voyage. Il a l’idée de consigner sur un feuillet l’endroit exact du lieu de sa découverte en dissimulant les coordonnées dans un message énigmatique composé d’une succession de nombres empruntés à des pages du roman qui ne l’avait jamais quitté. Personne, à part lui, ne serait en mesure de retrouver l’endroit exact. Du moins le pense-t-il. Assis sur un bloc de pierre, il scrute l’horizon s’assurant que personne ne puisse le surprendre. L’arrondi de pierre, les aplats de roches, le vertical des arbres restent en suspens accrochés par son regard. Ces nombres ininterrompus, énigmatiques, recouvrent maintenant la page de son carnet dans une succession ordonnée comme autant de codes insondables. Le trésor venait d’être enfoui une deuxième fois. Le corps tendu vers un furtif éclat de mystère effleuré, ses yeux le portent instinctivement vers les collines alentour, guettant une dernière fois la présence de silhouettes furtives. Puis, il reprend sa marche, soulagé du précieux fardeau. En écartant les branches, en appuyant sa main sur les lourdes racines des palétuviers, il s’applique à réduire les battements sourds de son cœur qui semble chercher, haleine sifflante, une fin de course. Tout s’arrête brusquement, il entend son sang s’éloigner, se blottir comme un bruit d’enfance. Recroquevillé, fripé, il gémit à hauteur de sa poitrine, parcouru d’un tremblement d’oiseau sous son gilet sombre. Son visage d’enfant le regarde avec un sourire aux lèvres, une bouche épargnée des rides qui viennent de se replier, amassées sur ses joues presque maigres. Elles forment là un réseau impénétrable de lignes creuses, se chevauchant, se croisant, se recoupant, se nouant autour de trois grandes taches brunes, lisses et veloutées. Moins dense, le front porte également de longues et fines parallèles sous un foisonnement de mèches blanches dont les yeux devinent la douleur. Son regard, longtemps immobile, surgit une dernière fois comme une île, d’un bleu d’acier brumeux, brûlant sous le voile que les années y avaient déposé irrémédiablement. Des images furtives lui parlent de sa vie. Des ombres immuables aux couleurs et aux effluves du temps, anéanties dans l’oubli. D’autres temps déjà lointains si merveilleusement retrouvés, ramenant les instants heureux d’hier. Devant lui, éparpillées, les notes contenant les points essentiels qui l’aideraient à retrouver plus tard cette précieuse découverte, se laissent piéger par le vent qui monte depuis les collines. Elles prennent le chemin de la liberté avant de disparaître par-delà les mamelons de végétation. Toutes ces lignes découlant si vite, qu’à peine il arrivait à retenir ! Puis, une faim de sel le saisit, tout son corps tendu. Il est maintenant seul, face à lui-même et son fardeau avec lui à l’heure où le reflet décalé des vagues s’égare, s’affole, cherchant vainement à se fixer sur celui d’où s’évade l’inaccessible étoile. Immobile maintenant, tenaillé par ce désir fou qui l’avait fait conquérir ce que d’autres n’avaient su avant lui découvrir, son visage de terre durable que le temps allait désormais harceler, ces traits-là le prolongeraient jusqu’à l’oubli et l’île seule s’en souviendrait. Elle s’ouvre toute entière engloutissant son corps à jamais, retenant pour toujours un secret dans ses flancs. Un dernier craquement bref. La branche d’os blanchi d’un corps mort venait de dégringoler de la pente dans un entrelacement de racines au fond du marécage. L’air avait fraîchi. Quelques oiseaux des mers passèrent en criant au-dessus de formes immobiles qui monteraient la garde dans ce lieu pénétré d’une atmosphère vague de tragédie. On aurait pu entendre un vaste murmure qui se changeait, se révélant finalement un grondement composite fait de gémissements, puis de cris sporadiques, puis… plus rien. Le silence avait tout englouti ! L’île venait de s’abandonner une fois encore à ce sursaut de fin d’été tropical. Ce dernier bond de chat mauve et meurtri de la saison. Cet orgueil, cette obstination avait eu raison de toute forme de courage. La légende venait d’enfanter un autre fantôme. 

      Jean-François
        
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